Demain, commence à proprement parler le Forum Rio+20. Il est temps.
Voici désormais quelques jours que je suis à Rio. Et, ces derniers temps, le contraste entre les Dialogue Days et la négociation était édifiant. D’un côté, foison de propositions, une méthode de co-construction qui fonctionne plutôt bien, une capacité d’écoute et d’enrichissement mutuel qui étonne. Et, de l’autre, un texte toujours en négociation, avec des versions successives qui deviennent de jour en jour, voire d’heure en heure, toujours plus légères.
La méthode des petits pas est dans l’absolu une méthode de négociation efficace, mais là nous n’y sommes pas : seulement 4 objectifs des 90 objectifs de Rio+20 ont été atteints, et la conférence risque fort d’aboutir sur un document qui n’aura que très peu d’avancées par rapport à Rio 92.
Alors, comment renverser la donne ?
Tout d’abord, il y a urgence à rétablir un climat de confiance entre les délégations. Les Dialogue Days ont montré une chose très concrète : on peut mettre en place dans les négociations internationales multilatérale un climat serein et propice à des échanges constructifs.
Mais, du côté des négociateurs, nous n’y sommes pas. Le besoin est fort de trouver un second souffle pour s’accorder sur des engagements innovants et ambitieux. Car à l’heure où l’on célèbre les travaux de Maurice Strong, qui a notamment dirigé l’organisation des Conférences environnementales de Stockholm en 1972 et de Rio en 1992, de nombreux Etats ne lui font pas honneur par leur comportement. Au premier rang, son pays natal, le Canada, qui rejette tout engagement d’ampleur et renforce la constitution de blocages politiques forts.
Globalement, nous sommes en face d’une divergence qui semble irréconciliable entre les nombreuses bonnes intentions, et la quasi-absence d’engagement concret. D’où un texte qui finit par ne presque plus rien dire. De fait, la logique « business as usual » reste dominante, faute d’accord sur les engagements et modalités opérationnelles, sur son articulation avec la notion de développement durable, ou encore sur les moyens financiers qui permettraient d’amorcer la transition écologique de l’économie.
Par exemple, la concrétisation de financements innovants en est toujours au point mort, faute de consensus sur le mode de fonctionnement à privilégier. Avec pourtant une proposition de grande qualité portée par l’Afrique du Sud et de nombreux investisseurs de long terme, montrant également que le jeu d’acteur évolue.
Impossible également d’avancer sur la thématique énergétique, initialement la plus encourageante, semble actuellement au point mort. Et ce dans un contexte où les lobbies en faveur du nucléaire civil ont oublié les leçons de Fukushima et développent de nouveau un discours d’autant plus commercialement agressif que les financeurs privés ne veulent désormais plus financer une technologie qu’aucun critère scientifique ou économique ne parvient plus à justifier pour de nouveaux investissements.
Demain, François Hollande sera à Rio+20, et notamment à Rio+20. Espérons que sa présence permette d’influencer fortement les négociations, qui en ont grand besoin pour aboutir.
Quelle que soit la synthèse, l’Europe ne devra pas, ne pourra pas faire l’économie d’une profonde remise en cause sur sa capacité à faire avancer plus vite son mode de développement durable et à convaincre, sans imposer ni donner de leçon, de la réalité des progrès réalisés.
Les collectivités locales, ainsi que de nombreux collectifs d’entreprises engagées, ont montrées qu’elles avançaient, et pouvaient encore avancer bien plus vite que la vitesse lente des négociations internationales. Ces démarches peuvent et doivent encore être encouragées, elles sont particulièrement rassurantes, mais ne doivent pas faire oublier l’urgence d’une gouvernance mondiale, notamment sur les thématiques hors de toute souveraineté nationale spécifique.
Il est donc urgent de cranter ce qui peut l’être sur la gouvernance internationale.
Avançons donc le plus possible sur le projet d’une agence environnementale renforcée et placée sous l’égide des Nations-Unies, et notamment avec le support des pays de l’Union Africaine. Quant aux objectifs du Développement Durable, ils intègrent désormais la dimension sociale qui leur manquait, et c’est essentiel. Et un plan d’actions immédiates semble à même de pouvoir se dégager.
Sur ce sujet comme sur d’autres, Rio+20 ne sera à la hauteur des enjeux que si les négociations officielles sont secondées par des avancées tangibles entre acteurs de la société civile. Et nous avons vécu quelques avancées très encourageantes en termes de gouvernance des océans. Il existe des solutions consensuelles et immédiates, portées par la société civile et soutenues par de nombreux états, pour les aires marines protégées, l’utilisation des ressources halieutiques, la préservation de la biodiversité marine, ou encore l’impact des activités conduites en haute mer. Qu’en restera-t-il dans le texte final. Et que mettrons-nous en œuvre dans les 24 prochains mois.
Au moins, Green Cross a fait sa partie du chemin, en contribuant à la promulgation d’un manifeste du Forum Global des Océans, incluant notamment l’adoption d’une approche intégrée des enjeux des océans, du changement climatique et de la sécurité (http://www.globaloceans.org/
A Rio, la nuit sera longue. Il nous reste 72 heures pour renforcer considérablement le texte, et faire de l’intégration des collectivités locales et des ONGs un levier pour raccourcir fortement le calendrier des prochaines négociations, tout en étant beaucoup plus concret et factuel sur les engagements et leur suivi.
Nicolas Imbert, directeur exécutif de Green Cross France et Territoires, Rio, 19 juin 2012