Une version PDF de l’article, publié dans l’édition de décembre-janvier du magazine Décisions Durable, est disponible ici: Dd09_FuturImmediat_TPIE_decisions_durables.
Nicolas Imbert, directeur de Green Cross France et Territoires.
Le sujet environnemental est au cœur de notre quotidien. La préparation de Rio +20 et la tenue du forum du 4 au 6 juin 2012, sont des moments essentiels pour définir la trajectoire mondiale des vingt prochaines années. L’installation d’un tribunal pénal international pour l’environnement, sur proposition de Mikhaïl Gorbatchev fondateur de l’ONG Green Cross International, devrait y être annoncée.
Le « zero draft » que le secrétariat de la Conférence va présenter en janvier 2012 devrait comporter une vision commune et des mises en œuvre coordonnées sur le changement climatique, l’accès à l’eau, à l’énergie et à la nourriture. Il s’agit non seulement d’environnement, mais aussi d’économique et de social.
Sur ces sujets plus que sur tous les autres, la coopération internationale est environnementale. La nature ne connait pas de frontière et la nécessité de survie fait franchir les frontières aux réfugiés climatiques, sanitaires et de la faim. C’est pourquoi le sommet de la Terre de Rio avait fait émerger, il y a déjà vingt ans, la nécessité d’une cour internationale de l’environnement.
Trois plans d’action
Différentes formes en ont été ébauchées, sans qu’aucune ne déclenche le consensus nécessaire à sa mise en œuvre. Il est à nouveau temps d’en esquisser les contours, pour favoriser une décision ambitieuse à Rio. Ainsi, nous suggérons la mise en place de trois niveaux d’interventions différents :
- Le premier niveau est le témoignage : les victimes d’une dégradation environnementale
s’exprimeront devant la cour, représentation de la communauté internationale, exposeront
leur situation, les dégradations constatées et les effets subis ; - Le deuxième niveau est l’anticipation, la prévention et l’arbitrage des conflits. Il
s’agit de désamorcer un conflit naissant
lié à une dégradation écologique, un accès aux ressources ou à l’alimentation,
avant qu’il ne se transforme en conflit armé. Cela peut reposer sur une méthode
analytique et arbitrale, intégrant analyse d’impact et démarche de médiation,
que ce soit pour des parties prenantes privées ou publiques ; - Le troisième niveau est celui de l’autorité
judiciaire, capable de mettre en cause, de juger contradictoirement, de
prononcer et de faire exécuter des sanctions.
C’est en se développant sur ces trois plans que la future cour internationale de l’environnement pourra asseoir sa pérennité et sa légitimité. Dans un contexte où le droit international est neuf, où le droit à l’environnement est transverse sans avoir été intégré dans les juridictions internationales de manière spécifique, le recours au témoignage et à la médiation permet de démontrer rapidement une valeur ajoutée importante.
L’autorité judiciaire est nécessaire pour confirmer la légitimité de la cour, mais ne doit être exercée qu’avec parcimonie. Elle s’installera progressivement, au fur et à mesure des ratifications et des adaptations des législations minières, environnementales, industrielles, économiques et sociales pour une meilleure intégration des critères d’écologie et d’accès à la subsistance. Nous souhaitons que la future cour siège à La Haye, afin de bénéficier au mieux de l’expérience de cours pénales installés pour des conflits guerriers.
Prévention des menaces
Pourquoi créer une cour internationale de l’environnement ? Les menaces environnementales sont plus dangereuses et plus fréquentes que par le passé : catastrophe nucléaire de Fukushima, famine en corne de l’Afrique, conflits d’accès aux ressources en Atacama ou en Afghanistan, tensions sur la question de l’eau dans la vallée du Nil et ailleurs, marées noires déclenchées ici par une exploitation en grande profondeur, là par un navire mal sécurisé… Tous ces conflits, qui n’auraient pas été si les risques et les enjeux avaient été évalués, ont un dénominateur commun : avoir eu pour déclencheur ou catalyseur une intervention humaine.
Il faut aussi que les risques soient financièrement évalués pour que le décisionnaire en réponde à hauteur des conséquences de ses actes. L’émergence d’une cour internationale de l’environnement constitue le premier moyen mettant en avant le principe de responsabilité élargie du donneur d’ordre. Favorisant témoignage et médiation, elle sera plus pédagogique que procédurière. A nos yeux, elle représente un levier essentiel pour concilier l’économie avec l’environnement et le social, développer la conscience mondiale et encourager les initiatives vertueuses.