Dans un contexte où l’armement nucléaire représente 15% du budget de la défense français, mais s’avère absent des scènes médiatique et politique à l’approche des élections présidentielles, il semblait essentiel de faire un point sur ce sujet : Green Cross organisait avec le support du groupe La Française, le 13 mars, un colloque abordant les enjeux de la défense, de la dissuasion nucléaire et des bouleversements climatiques auxquels nous faisons face.
Si les liens entre défense et bouleversements climatiques n’apparaissent pas toujours évidents, la première table ronde a permis de mieux appréhender les phénomènes à l’œuvre : Emmanuel Dupuy, président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) a souligné a quel point le changement climatique est un multiplicateur de menaces, mais aussi une source de vulnérabilité pour les Forces Armées, notamment au terrorisme et aux groupes criminels. La criminalité environnementale est en effet la quatrième source d’enrichissement en Afrique.
Nicolas Hulot, journaliste-reporter, animateur-producteur de télévision, écrivain et président de sa Fondation, a su rappeler qu’en plus d’une monopolisation très importante de la Garde nationale, notamment aux Etats-Unis, la situation environnementale conditionne les enjeux de paix et de stabilité.
« Les bouleversements climatiques rajoutent de l’injustice, des inégalités et des tensions dans un monde qui n’en avait pas besoin. » – Nicolas Hulot
D’ailleurs, Winiki Sage, président du Conseil économique Social et Culturel (CESC) de la Polynésie française, a pointé du doigt les dangers du réchauffement climatique pour les îles de Polynésie, mais aussi les risques liés à la piraterie de par une armée française de moins en moins présente pour surveiller les eaux du Pacifique, ou encore les enjeux économiques terribles (tourisme; déplacement des poissons nuisant à la pêche locale). Et par ailleurs, qu’un serait-il de la zone économique et exclusive de la France si ces îles venaient à être englouties ? Serait-elle amputée, tout comme une partie de l’humanité ?
De même, la rareté des ressources, comme par exemple les métaux et terres rares en provenance de Chine, et mise en exergue par Gilles Pennequin, vice-président du Forum International des Technologies et de la Sécurité, est aussi un défi majeur dans la stabilité des relations internationales.
Et le bouleversement climatique, qui raréfie les ressources disponibles, aggrave les tensions et incite les Etats à user de la dissuasion nucléaire, comme l’a souligné Jean-Marie Collin, expert en désarmement nucléaire.
Paul Quilès, président de l’association Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (IDN), président de la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées à l’Assemblée Nationale de 1997 à 2002, ancien Ministre (Défense et Intérieur) a pu ajouter que « dire qu’un monde avec armes nucléaires serait forcément moins dangereux que sans est un dogme » lors de la seconde table ronde « Dissuasion et arme nucléaire : comment s’adapter dans un monde qui change ? ».
D’ailleurs, « la France s’engage dans un programme de modernisation qui n’est autre qu’une course à l’armement nucléaire, et qui s’avère extrêmement dangereux » selon le Général Bernard Norlain, général d’armée aérienne (2S), chef de cabinet militaire (de 1986 à 1990) des Premiers Ministres Jacques Chirac puis Michel Rocard. « Si l’arme nucléaire était un facteur de stabilité durant la Guerre Froide, elle est aujourd’hui source d’instabilité ».
Autrement dit, les bouleversements climatiques engendrent des tensions et des conflits qui poussent à l’utilisation de la dissuasion, et donc de l’armement nucléaire, qui lui-même rend les relations encore plus conflictuelles et l’environnement planétaire plus dangereux.
Ainsi, comme l’ont également soutenu Corinne Lepage, ancienne Ministre de l’Environnement, avocate et femme politique française engagée dans la Protection de l’Environnement, et Joël Guerriau, sénateur, secrétaire de la Commission des Affaires Etrangères, de la Défense et des Forces Armées du Sénat, Président du groupe interparlementaire France-Iran, il est essentiel d’aller dans le sens d’une non-prolifération de l’armement nucléaire, et même d’envisager un désarmement.
Il est donc indispensable pour les décideurs politiques de s’engager sur ce sujet, notamment à l’approche des élections présidentielles françaises.
Et comme a très justement cité Nicolas Hulot en conclusion de ce colloque :
“Si le monde explose, la dernière voix audible sera celle d’un expert disant que la chose est impossible.”,
Peter Ustinov, L’amour des quatre colonels
Quelques photographies de l’événement :
Et ils parlent de notre événement sur Twitter, #DéfenseClimat :
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