Ce 8 juin est la journée mondiale des océans. Ceci nous concerne tous: l’océan est un milieu nécessaire à la vie, fragile…il est grand temps d’en prendre soin pour préserver un rapport durable entre humanité et océans.
« Il n’y a qu’un seul système d’eau », dit Jean-Michel Cousteau. Depuis la formation d’eau dans les nuages par condensation au-dessus de la mer, jusqu’à l’eau ruisselant sur le sol, les ruisseaux qui se déversent dans les fleuves, les deltas et estuaires jusqu’aux hautes mers, tout est interconnecté. Et c’est ce système d’eau qui produit l’eau potable, ressource rare nécessaire à la vie et non substituable, mais également qui régule le climat. Sans oublier que les océans captent 70% du dioxyde de carbone de l’atmosphère, via la photosynthèse. Et ce même océan, par l’activité du plancton est à la base de la vie marine et terrestre.Or, que constatons-nous ?
Confronté au changement climatique, acidifié par l’activité humaine, mis à mal par la surexploitation (ou la mauvaise exploitation) des ressources halieutiques, saturé par les fontes de glace aux pôles, l’océan est malade. Il s’acidifie, sa biodiversité s’appauvrit, son niveau monte. Nous devons agir, c’est notre passé, notre présent et notre avenir avec lequel il faut construire une nouvelle relation.
Mais qu’en connaissons-nous ?Il y a fort à penser que 80 à 95% de la vie marine est encore inconnue. Qu’il s’agisse de l’échelle microscopique, ou des abysses, des millions d’organismes restent vraisemblablement à découvrir. Ces micro-organismes recèlent de véritables trésors dignes d’inspirer les activités humaines. Ainsi, l’expédition scientifique de Tara ouvre de nouveaux horizons de connaissance sur le plancton et les micro-organismes, en permettant la caractérisation ou la découverte d’une vie auparavant inconnue. Souvenons-nous qu’une diatomée arrive à produire du verre à partir de silice sous une température de 2°C. Quel processus industriel atteint la même performance ? De même, on estime que 80% des ressources minérales, environ 50% des protéines consommées sur terre, la moitié des traitements anticancéreux, sont issues des ressources marines.Concrètement, quelles sont les priorités ?Nous en identifions trois : la reconquête d’une synergie durable entre activités humaine et reconquête des milieux en zone littorale, un nouveau « contrat d’avenir » pour les activités humaines en mer basé sur la responsabilité, et l’émergence d’une nouvelle gouvernance apaisée sur les territoires maritimes.
Interface par excellente, fenêtre ouverte sur la mondialisation et l’inconnue, la zone littorale a souvent souffert d’une absence de vision intégrée. C’est pourtant le domaine des équilibres fragiles, entre artificialisation et érosion, surexploitation et préservation. Mais aussi d’une compétition d’usage entre tourisme, pêche et exploitation minière ou pétrolière. Ou bien tributaires de la pollution marine par les activités terrestres, qu’elles soient industrielles ou agricoles. Voire de la négligence des individus, d’un mauvais assainissement ou de déversements sauvage en mer.
Mais cette zone littorale est également pour les territoires un creuset : c’est de là qu’on développe une attractivité touristique, gastronomique ou identitaire, et que l’on tire souvent une nouvelle prospérité. Et c’est aussi là que l’on peut ou va pouvoir développer de nouvelles activités, en redynamisant une pêche artisanale respectueuse de l’environnement, en développant l’aquaculture plurispécifique plus écologique qu’un élevage intensif mono-spécifique, en développant les énergies marines comme l’éolien off-shore. Et ce, dans un projet concerté et coordonné.
Ainsi, la Baie de Saint-Brieuc, retenue pour un projet éolien off-shore, possède un excellent potentiel de création de valeur autour de sa zone littorale: un tissu entrepreneurial fort et qui se structure, une forte sensibilisation aux enjeux énergétique mais également un projet territorial de transition écologique, qui comporte également des dimensions agro-alimentaires et touristiques, tout comme une forte expérience de concertation territoriale obtenue lors de la création de la filière pionnière de la coquille Saint-Jacques…on pressent une réussite similaire au rayonnement de Toulouse dans les années 80, catalysé par l’aéronautique, mais désormais prolixe de la santé à l’agroalimentaire, de la recherche aux métiers de service.
Et ce même élan se ressent au Sénégal qui a récemment abandonné les permis de pêches industrielle prédateurs des années passées pour permettre la revitalisation de son territoire autour de la pêche artisanale et des énergies renouvelables, en particulier dans la région de Saint-Louis. Ou bien sur la côte brésilienne, en Corée du Sud, en Ecosse…les exemples sont nombreux, rendant encore plus nécessaire un partage des retours d’expériences et bonnes pratiques à l’échelle internationale. Le littoral est un formidable creuset d’innovation durable et de transition écologique.
Comment agir maintenant !
Il est grand temps, concrètement et opérationnellement, de réconcilier l’humanité et l’océan, cesser la lente dégradation des milieux marins et, mieux, faire de l’océan la solution pour réparer la planète et servir l’humanité. C’est pourquoi Green Cross, en juin 2012 à Rio, s’est associé à Nausicaa, Sea Orbiter, Tara Expédition, et le World Ocean Network pour créer l’Alliance pour la Mer et les Océans, afin de proposer des principes de gouvernances, et des actions concrètes ancrées dans le réel, afin de proposer une transition permettant la réconciliation de l’humanité avec l’océan.
Nous avons lancé le 11 avril, comme l’ensemble de la société civile réunie pour l’occasion en présence de nombreux représentants de la société civile française et internationale, l’appel de Paris pour la haute mer, autour de Sandra Bessudo, Catherine Chabaud, Jean-Michel Cousteau, Angus Friday, Nicolas Hulot, Romain Troublé, François Gabart, Delphine Batho, Francis Vallat…». Il s’agit, en faisant de la Haute Mer un réel enjeu de société, d’obtenir un accord international ambitieux qui s’engagerait par exemple, à recouvrir 10% de la surface des océans en air marine protégée d’ici 2020 (pour l’instant nous sommes à 1.6%), de se donner les moyens de préserver fonds marins et colonne d’eau et de consolider ces engagements par une résolution de l’Assemblée Générale des Nations-Unies en 2014.Le 26 mai, Vincent Biarnes sur le village du départ de la Solitaire du Figaro à Bordeaux, acommuniqué sur son engagement pour faire signer cet appel.Le 4 juin, l’appel a été lu à l’UNESCO, lors de la global conference des Ateliers de la Terre, par Jean-Michel Cousteau, Sylvia Earle, Romain Troublé, André Abreu, Elisa Detrez et de nombreuses et nombreux autres grands témoins. Chacun peut signer l’appel sur www.lahautemer.org.
L’appel sera relayé vers les institutions et acteurs politiques dans la perspective des importantes négociations sur la gouvernance de la Haute mer de la Commission sur le développement durable de l’ONU en 2014.
Nicolas Imbert, directeur exécutif de Green Cross France et Territoires