Le discours est également disponible au format PDF: Forum Mondial de l’Eau-Mikhail-Gorbachev-discours-120312
Vous trouverez également des photos prises lors de l’évènement sur http://www.facebook.com/media/set/?set=a.238250976271853.52341.146220685474883&type=3
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Seul le prononcé fait foi
Réflexions de Mikhail Gorbachev à l’attention du Forum Mondial de l’Eau
Marseille, March 12, 2012
M. Le Premier Ministre,
Mesdames et messieurs,
Je remercie le gouvernement français pour son invitation et l’organisation pour l’important travail fourni pour rendre ce Forum possible. Je partage la position du Président Sarkozy quand il dit que les problèmes liés à l’eau doivent être au cœur des politiques internationales.
La présence ici de représentants de plus de soixante-dix pays et de scientifiques et experts reconnus donne à ce Forum une importance globale considérable.
La préparation de ce forum s’est déroulée sous une bannière bien adaptée : « Le Temps des Solutions ». En effet, le temps est venu de passer des discussions et déclarations aux actions concrètes.
Le déficit d’eau potable devient de plus en plus grave et étendu alors que, à l’inverse d’autres ressources, il n’existe pas de substitut à l’eau.
Lorsque nous recherchons des traces de vie organique dans d’autres corps célestes, nous commençons par chercher des signes de présence d’eau.
Dans notre planète Terre nous avons effectivement de l’eau, mais les ressources accessibles d’eau potable sont limitées, et l’usage de l’eau pour les besoins humains continue à augmenter. Il n’est plus possible de continuer à consommer l’eau au même rythme qu’au 20ème siècle.
Dans le même temps, des millions de personnes meurent dans les pays pauvres suite à la consommation d’eau non traitée.
Selon une étude menée par l’Organisation Mondiales de la Santé dans cinq régions du monde, 80% des maladies infectieuses et épidémies sont causées par l’eau insalubre.
Lorsque l’on réfléchit aux moyens de résoudre la crise globale de l’eau, nous devons avant tout identifier ses causes réelles.
Elles incluent :
- l’accroissement de la population mondiale et de la production agricole, industrielle et énergétique, qui constituent les principales consommations d’eau ;
- les conséquences environnementales des activités économiques et la destruction des écosystèmes naturels ;
- le gaspillage de l’eau et d’autres ressources naturelles dans une économie guidée par l’hyperprofit et la consommation excessive ;
- la pauvreté massive et le retard des pays dans lesquels les autorités ne sont pas capables, et n’ont souvent pas la volonté, d’organiser un système de gestion de l’eau efficace ;
- et, finalement, la course aux armements et le gâchis insensé de richesses et de ressources dans les guerres et conflits.
Il est donc clair que les problèmes d’eau ne doivent pas être considérés indépendamment d’autres défis globaux et du contexte international global.
Green Cross International, organisation dont je suis le Président-fondateur et que j’ai l’honneur de représenter ici, travaille depuis vingt ans sur le nexus sécurité, pauvreté et environnement.
Il y a quelques temps, GCI a lancé l’initiative Water for Life (L’eau pour la vie). Nous avons proposé de développer une convention internationale sur le droit à l’eau. En 2010 les Nations Unies ont décidé d’inclure le droit à l’eau parmi les droits humains fondamentaux. Cela n’était pas facile pour la communauté internationale de faire une telle avancée mais cela a été fait.
Il est désormais nécessaire de mettre en place ce principe de façon pratique. Jusque là, seulement quelques pays ont inclus le droit à l’eau dans leur législation nationale. Parmi eux se trouve la France, qui alloue également des ressources significatives pour assurer l’accès à l’eau dans les pays en développement.
Green Cross International prend activement part au développement de mesures visant à préserver, et à gérer de manière rationnelle les ressources en eau.
GCI travaille à accélérer l’entrée en vigueur de la Convention des Nations Unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation ; et nous travaillons à mettre en œuvre des projets spécifiques pour assurer le droit à l’eau.
Même des solutions qui ne nécessitent pas d’investissements importants sauvent de nombreuses vies humaines. Simplement grâce à un seul projet pilote de GCI au Ghana, 40 000 personnes vivant dans le bassin de la Volta ont maintenant accès à l’eau potable et à l’assainissement.
Un autre axe dans lequel nous déployons nos efforts consiste en la prévention des conflits liés à l’accès à l’eau ou qui font suite à l’utilisation de ces ressources comme un instrument de pression ou de diktat.
En tant que personne ayant plus de cinquante ans d’expérience politique, je suis convaincu que la crise de l’eau est étroitement liée aux difficultés économiques et politiques actuelles. Permettez-moi de vous exposer deux arguments à cet égard.
1/ Nous nous rencontrons à un moment où le monde est encore en proie aux conséquences d’une crise économique grave et globale. Les signes de reprise dans le monde économique ne doivent pas nous duper.
La crise a montré que le modèle économique actuellement dominant n’est pas durable. Ce modèle génère des crises, provoque l’injustice sociale et engendre un danger de catastrophes environnementales.
Il est clairement nécessaire d’engager une transition progressive mais suffisamment rapide vers un modèle alternatif. Ce modèle devrait être basé sur une combinaison entre des marchés et initiatives privées, les principes de responsabilité sociale et environnementale des entreprises et une régulation gouvernementale efficace.
Il nous faut donc repenser les objectifs du développement économique. La consommation ne doit pas rester l’unique, ou le principal, levier de la croissance. L’économie doit être réorientée vers des objectifs incluant les biens publics tels qu’un environnement durable, le bien-être des populations dans le seul le plus large du terme, la culture et la cohésion sociale, y compris l’absence d’écart flagrant entre riches et pauvres.
La plupart des projets liés à l’eau, que ce soit à l’échelon national ou international, pourraient devenir l’un des moteurs d’une nouvelle étape du développement de l’économie globale.
2/ Mon deuxième argument : le monde a besoin d’une nouvelle architecture politique, pour la sécurité, la gouvernance globale et le développement durable.
Cette architecture devrait être basée sur un rejet des modes de pensée conflictuels ou de toute tentative de dominer les relations internationales et sur la démilitarisation de la politique internationale.
C’est uniquement sur la base de cette nouvelle architecture que nous pourrons répondre aux principaux défis de ce siècle : le défi de la sécurité, celui de la pauvreté et des retards de développement, et celui de la crise environnementale globale.
Pendant les cinquante ans de son existence, le Forum Mondial de l’Eau a participé à mettre les problèmes liés à l’eau sur l’agenda politique.
Cependant, malheureusement, il n’est encore jamais allé au-delà des discussions générales entre représentants gouvernementaux et entrepreneurs, et n’a jamais non plus produit des solutions décisives face à la crise de l’eau. C’est pourquoi, en parallèle de ce forum, des plateformes de discussions alternatives émergent suite à des initiatives de la société civile.
La voix du public doit être entendue à ce Forum. C’est pourquoi, laissez-moi vous exposer la position formulée par nos partenaires de la société civile :
« Nous pensons qu’une bonne gouvernance de l’eau et de l’assainissement peuvent être menés à bien uniquement par des approches basées sur les droits humains, et par des investissements adaptés dans la participation informée et concrète de la société civile. Nous avons été ravis de la reconnaissance par les Nations Unies en 2010 du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement. Nous incitons désormais tous les acteurs à encourager la mise en œuvre de ces droits pour tous par les gouvernements nationaux, en accord avec les droits humains ; ainsi qu’à reconnaître les connaissances locales et la gestion communautaire comme des solutions importantes pour mettre en œuvre ces droits, et à les soutenir de manière concrète. »
Mesdames et messieurs, unissons nos efforts! Pensons et agissons sur la base de principes communs : La paix et l’eau pour tous ! La dignité et la vie de l’être humain pour tous est le principe minimum sur lequel nous devons nous engager.