A l’issue du Débat National sur la Transition Énergétique, première mobilisation de l’ensemble des composantes de la société civile française, un consensus global avait permis de faire de la réduction de la part du nucléaire civil, de 75 % à 50 % de la production électrique d’ici à 2025, un élément fondamental de la stratégie énergétique du pays, et un point structurant de la relation de co-construction entre le gouvernement, les politiques régionales et locales, les initiatives privées et la société civile.
L’annonce gouvernementale ce jour de revenir sur cet engagement structurant (la réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire dans la production électrique) est un coup de canif incompréhensible dans le consensus énergétique construit entre toutes les parties prenantes françaises.
Annoncé en ouverture de la CoP 23, et à quelques semaines de la date d’anniversaire de l’Accord de Paris issu de la CoP 21, c’est un très mauvais signe pour la transition écologique et énergétique du pays, et un message violent délivré à nos voisins européens.
Aujourd’hui, de l’aveu même d’EDF, le nucléaire n’est plus compétitif pour tout nouvel investissement, et le maintien même des installations dans un état de sûreté et de sécurité nominal au sens de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) grève significativement les comptes de l’opérateur. C’est pourquoi il est urgent, pour des seules raisons de rigueur économique et de salubrité publique, que chaque euro nouvellement investi dans le nucléaire, qu’il soit public ou privé, le soit exclusivement au profit d’un dé-commissionnement des installations nucléaires, et d’un démantèlement anticipé, planifié, budgété et réalisé sous contrôle institutionnel et démocratique.
En outre, l’attribution en 2017 du Prix Nobel de la Paix à ICAN (Campagne Internationale pour Abolir les Armes Nucléaires) montre si besoin était la volonté internationale majoritaire partagée, civile, militaire, des sociétés civiles et des gouvernements, de voire la planète s’affranchir de toute nouvelle production de combustible nucléaire, et de tourner la page de l’atome pour viser une société pacifiée, et en phase avec l’urgence climatique.
Le lobby électro-nucléaire français est de plus en plus isolé sur la scène internationale, que les dirigeants finlandais et britanniques confrontés à des retards et problèmes de conformités récurrents envisagent sérieusement l’abandon des projets en cours, que le gouvernement chinois fait état de ses préoccupations de sécurité récurrentes quant aux centrales nucléaires construites par les français.
L’objectif de réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire était en passe d’être atteint de manière anticipée: les mises à l’arrêt régulières de centrales nucléaires (cf. Tricastin), couplées à des progrès régulièrement constatés dans l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables 4D (déconcentrées, décarbonées, diversifiées, démocratiques), les projets de méthanisaton de seconde et troisième génération, le power-to-gaz couplés à des renouvelables, montrent si besoin était que le pays, s’il en fait le choix politique, peut atteindre rapidement, avec une meilleure compétitivité que via le choix électronucléaire, et en anticipant de manière bien plus sereine le futur, un maximum de 50 % nucléaire dans l’électricité à horizon 2025 et la sortie complète du nucléaire à horizon 2050.
Enfin, dans un contexte de pétrole bon marché et de dérèglement climatique accéléré, la France joue sur les 2-3 ans à venir sa politique énergétique et d’investissement qui la positionnera – où non – dans une trajectoire soutenable énergétiquement, et en provisionnant à la hauteur des coûts réels l’impact du démantèlement nucléaire en France.
Dans ce contexte, l’abandon de cet objectif de réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire à horizon 2025 est non seulement un contresens historique, mais également un couteau dans le dos planté à tous les entrepreneurs qui créent de l’emploi autour de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables en France, et enfin un terrible héritage transmis aux jeunes générations et aux générations futures.
Alors que s’ouvre la CoP 23, que plus que jamais les Régions et les Entrepreneurs sont investis dans la transition énergétique, et à quelques semaines de l’anniversaire de l’Accord de Paris, il est urgent que le gouvernement revienne sans délai sur ce coup de canif donné dans la Loi de Transition Energétique, et réaffirme par la voie du Président de la République (comme le candidat Emmanuel Macron s’y était engagé) le respect absolu de la Loi de Transition Energétique, dont l’engagement de réduction de 75% à 50% de la part du nucléaire dans la production électrique fait partie.
Contact interview: Nicolas Imbert – imbert@gcft.fr