Lors de l’Agora « Océans et économie circulaire » organisée par Green Cross le 10 décembre 2015, la place occupée par les océans dans la lutte contre les dérèglements climatiques a été démontrée, ainsi que les pistes d’innovation qu’ils nous offrent. Un retour sur la COP21 et sur les résultats de la Déclaration ParisClimat2015 ont également été présentés. On a ainsi parlé adaptation, mais également solutions.
Parmi les intervenants, des entrepreneurs innovants, à l’échelle française et internationale, ont aussi parlé solutions.
- Louis Win-Nemou, contributeur d’Océania 21, chef de la tribu Gohapin, Nouvelle Calédonie
Le lien à la terre et les savoirs traditionnels du peuple calédonien sont menacés par la présence de ressources très convoitées : métaux rares, pétrole, gaz… C’est une perte de savoirs traditionnels anciens de 3000 ans qu’encourt l’Humanité.
En Nouvelle-Calédonie, le travail qui est réalisé sur le développement durable va de pair avec le bien-être des populations. Ce sont ces populations qui subissent déjà aujourd’hui les conséquences des changements climatiques : montée des eaux, réchauffement, cyclones. Leur sens de la résilience est indispensable, tout comme la recherche de solutions locales : la plantation d’arbres, par exemple le palétuvier, qui permet de capter 3 à 4 fois plus de carbone que la moyenne, et aide à casser les vagues.
Au sein d’Océania 21, la réunion de 21 peuples autochtones, reconnus par le droit international, a permis de faire valoir leurs revendications. La Déclaration de Lifou apporte aussi des éléments concrets sur l’adaptation, l’atténuation et le financement. Elle a été référencée aux Sommets de Lyon et de Bogota. Sur les 21 pays insulaires que composent Océania 21, 17 sont indépendants et peuvent donc porter leurs voix et celle des autres à l’ONU et autres organisations internationales.
- Diffusion du film « Choses vues, mots entendus, 8 mois après PAM »
Ce web-documentaire sur les conséquences au Vanuatu du cyclone PAM qui a frappé l’océan Pacifique Sud début 2015. Ania Freindorf, la réalisatrice, rappelle qu’il existe seulement 3% des aires naturelles protégées. Ce film appelle à l’action et montre comment les pays insulaires se mobilisent.
Louis Win-Nemou a souligné qu’El Nino se reforme plus vite que d’habitude, et que les catastrophes naturelles qui les accompagnent sont de plus grande ampleur. D’une fréquence décennale, ces catastrophes deviennent annuelles. La plantation d’arbres et le développement de l’apiculture peut contribuer, mais le problème majeur reste celui du changement des mentalités, et la préservation des particularités culturelles, notamment dans les pratiques agricoles. Louis Win-Nemou a évoqué l’exemple de la production vivrière d’igname, qui est devenue quasi-impossible du fait de la concurrence de l’igname transgénique en Australie et à Hawaii. La nécessité de préserver des graines non transgéniques dans une banque est posée.
La question de l’eau, plus particulièrement de son approvisionnement et de sa montée, est devenue majeure. Au passage d’El Nino, les pluies sont tellement violentes et les sols perméables, que l’eau ne fait que ruisseler en surface. Le lien entre la pollution en amont et son impact en aval est aussi à faire.
- Quels navires pour le futur ?
Boris Federovsky, conseiller technique du GICAN
Ont été évoquées les opportunités que représente l’océan, vecteur essentiel du transport maritime, ainsi que les apports de la technique. Cette dernière permet de répondre à des besoins de sécurité, environnementaux, économiques et opérationnels. En mer, l’économie circulaire prend tout son sens. La transformation optimale de l’énergie, la valorisation des déchets, ainsi que le traitement de l’eau, constituent le triptyque sur lequel repose l’économie circulaire à terre. Le concept de multi-activités en mer complète ces notions de réduction de la consommation de ressources – énergie, matériaux, eau – et de limitation, voire de suppression des rejets dans l’environnement.
Mathieu Kerhuel, président d’Advanced Aerodynamic vessels (A2V)
Présentation d’un prototype de navire d’un nouveau genre. Son design génère une portance aérodynamique qui lui permet d’être extrêmement rapide et d’avoir une faible consommation.
A usage commercial, ces bateaux ont la particularité et l’avantage d’être légers car composés de matériaux composites et de fibres de verre. S’ils sont plus coûteux à l’achat que les bateaux traditionnels, leur légèreté permet de faire des économies de carburant.
- Océans et économie circulaire
Brigitte Bornemann, directrice des publications, Energies de la Mer
Le portail d’informations qu’elle a développé concerne la filière des énergies de la mer, y compris les navires les infrastructures du littoral , telles que les ports, les usines de production, la logistique. Il propose également une veille sur les impacts environnementaux, sociétaux et socio-économiques.
L’intérêt de la production d’énergies renouvelables marines a également été mis en lumière : il s’agit d’une activité non délocalisable, à dimension territoriale et prédictible.
Le projet de Serious game, véritable outil d’analyse stratégique et pédagogique développé par le Lycée Vauban de Brest dans le cadre du Campus des métiers de la mer présente des technologies que l’on peut développer en mer, entre autres les éoliennes offshore posées ou flottantes ; l’hydrolien, le houlomoteur ainsi les technologies fluviales . Le jeu en 3D, permettra de gérer à partir de données le potentiel énergétique en temps réel converti en production énergétique.
Laure Rondeau-Desroches, responsable communication Europe, Afrique, Moyen-Orient d’Interface
La société Interface existe depuis les années 70, mais elle n’a amorcé son changement stratégique qu’en 1994, en étant à l’avant-garde de la RSE. Son objectif pour 2020 : zéro déchet, zéro impact négatif. Cela passe par l’élimination des déchets, un objectif zéro émission nocive (qualité de l’air intérieur), l’utilisation d’énergies renouvelables, une optimisation des transports, la sensibilisation des parties prenants, et de nouvelles façons de commercer.
Un changement stratégique a été initié suite à l’analyse du cycle de vie des produits (dalles de moquette) : les 2/3 des externalités négatives proviennent du matériau constitutif de la moquette, à savoir le pétrole, et plus précisément le polyamide 6, fibre issue de la pétrochimie. Pour trouver de nouvelles sources de matières premières recyclées, dans le cadre du programme NetWorks, en partenariat avec la ZSL (Zoological Society of London), Interface a identifié une nouvelle source d’approvisionnement : la récupération des filets de pêche. Ce partenariat représente aussi une solution bénéfique pour les communautés locales : aux Philippines par exemple, la collecte des filets abandonnés permet de mettre fin à la « pêche fantôme » qui détruit les stocks de poisson, en plus de nettoyer les côtes et les plages. L’achat des filets se fait à un prix juste, ce qui contribue à augmenter les revenus des pêcheurs. Le recyclage est réalisé par Aquafil, une société italienne, qui transforme les filets en fibre de polyamide 6. Les avantages sont donc de nature environnementale, mais également économique.
Jacques Degroote, président d’Algonésia
Algonésia est une start-up créée en 2013, centrée sur l’agro-industrie et les biotechnologies dédiées aux micro-algues. Le concept s’articule autour de l’économie circulaire, conception dans laquelle le déchet de l’un devient la ressource du suivant. Décliné à la production de micro-algues, le CO2 de l’un devient l’aliment des micro-algues de l’autre. La croissance des micro-algues nécessite du soleil et du CO2, et elles peuvent très bien grandir dans des eaux usées, ce qui représente un atout environnemental considérable dans un objectif de captation du carbone. La traçabilité du carbone a été identifiée comme un enjeu. Jacques Degroote a donc également collaboré à la création d’un outil appelé CO2Track.