L’Arctique est au cœur de tous les enjeux, et pourtant ce qui s’y passe est à l’abri de nos regards. Alors même que s’y articulent non seulement les effets du dérèglement climatique, mais également des enjeux humains, sociaux, économiques et financiers aussi essentiels que méconnus.
La mise en perspective apportée par l’exposition « Arctique : nouvelle frontière » du Prix Carmignac du Photojournalisme met en ceci, avec un travail particulièrement précis et accéré.
Nous avons effectué de cette exposition une lecture en 3 constats, qui sont autant de raisons d’agir pour une planète préservée et un futur plus serein :
- Les effets du dérèglement climatique en Arctique transforment la région en Nouveau Far-West.
- 2. Les habitats deviennent de plus en plus vulnérables, la nature a déjà initiée une transition irréversible mais que nous pouvons atténuer.
- Les peuples autochtones, qui vivaient en symbiose avec le milieu, se sont rapprochés du mode de vie occidental.
C’est pourquoi Green Cross, répondant à sa raison d’être environnementale et humaniste, effectue en réponse aux enjeux mis en avant par le prix avec 7 propositions concrètes, qui sont autant de clés pour agir, et peuvent être activées dès maintenant.
Les enjeux mis en perspective par l’exposition « Arctique : nouvelle frontière » du Prix Carmignac
- Les effets du dérèglement climatique en Arctique transforment la région en Nouveau Far-West.
Qu’il s’agisse de nouvelles routes de navigation, de traits de pêche opérés sur des eaux autrefois recouvertes de glace, de trafic de vestiges d’une vie aujourd’hui disparue ou d’une course effrénée à l’exploitation pétrolière et minière que l’on pensait d’un temps révolu, les trésors de l’Arctique sont l’objet de nombreuses avidités.
Comme lors de la conquête de l’ouest ou des grandes transitions historiques, nous y retrouvons des cowboys et des indiens, des gendarmes et des voleurs. Quels seront les équilibres…ou les déséquilibres… qui se feront jour en Arctique ?
Les scientifiques observent avec inquiétude l’évolution du climat et de la biodiversité, mais aussi l’impact de ces nouvelles activités humaines. Des publications convergentes et de plus en plus alarmantes nous précisent que l’évolution climatique en Arctique a probablement atteint un point d’irréversibilité, et que nous devons enclencher urgemment les mesures d’atténuation et d’adaptation à la hauteur des enjeux.
Les armées, les activités de police et de contrôle tentent de s’organiser et font évoluer leurs organisations sans forcément déployer des moyens à la hauteur des enjeux. Les tensions géopolitiques réapparaissent, tout comme les conflits entre intérêts économiques de court terme et visions de moyen terme pour les territoires. Qu’en subsistera-t-il ?
Nous sommes à la croisée des chemins.
- Les habitats deviennent de plus en plus vulnérables, la nature a déjà initiée une transition irréversible mais que nous pouvons atténuer.
Des brèches et des cicatrices se développe dans l’Arctique. Au-delà des spectaculaires cratères formés dans le pergélisol qui se multiplient, des cours d’eau et nappes phréatiques dont la vitalité est de plus en plus compromise, ce sont les caractéristiques essentielles des habitats végétaux, animaux et humains qui sont désormais atteintes.
Qu’ils soient terrestres ou marins, les grands animaux migratoires ne peuvent plus reproduire le périple qu’ils parcouraient jusqu’alors. Cette situation préoccupante les désoriente, incite à de nouveaux comportements qui bouleversent les écosystèmes, et met à risque jusqu’à leur survie.
Le cercle arctique, autrefois continent blanc parsemé de quelques pépites vertes et bleues, s’illustre désormais beaucoup plus en marron, gris, vert et bleu.
Est-ce une bonne nouvelle ? Assurément pas. Ce poumon de la planète, qui contribue à la fois à la régulation des courants marins et du climat, recèle des stocks de biodiversité et est un creuset de vie terrestre et marine aussi intense que méconnu, nous appelle à l’aide pour mieux l’aimer, mieux le connaître, mieux le préserver.
Permettre à l’Arctique de passer de la vulnérabilité à la résilience, c’est aider à en préserver la vitalité, mais c’est aussi nous protéger nous-même.
- Les peuples autochtones, qui vivaient en symbiose avec le milieu, se sont rapprochés du mode de vie occidental.
Historiquement, la vie des peuples de l’Arctique se structurait autour de quelques repères : l’autonomie, l’affirmation identitaire et culturelle forte entre communautés, les solidarités locales et l’organisation collective de la société, l’interaction permanente entre l’humain, le vivant et les éléments. Le développement des industries extractives, la mécanisation des transports, l’arrivée du confort moderne et la révolution des communications ont métamorphosé ces codes.
À la transmission intergénérationnelle a succédé l’internat et l’école à distance loin de la maison et de la communauté. La maison est devenue individuelle, l’électricité indispensable, la voiture et l’accès à la consommation industrialisée un standard inévitable. L’alcool et le tabac coulent à flot, le tourisme a substitué à la rudesse du voyage l’immédiateté d’une rencontre fortuite de deux univers qui se croisent sans jamais se rencontrer. L’intemporalité et la lente dégradation des déchets, les besoins sans cesse plus grands d’énergie, d’espace et de ressources minières, les pollutions multiples et grandissantes laissent un espace de plus en plus restreint pour des modes de vie préservée.
L’éducation formelle, l’accès à la connaissance se sont améliorés. L’accès à la médecine et aux sciences occidentales a amélioré l’espérance de vie, et affaibli les savoirs traditionnels.
Nos 7 propositions pour apaiser la région et préserver son futur
La situation de l’Arctique nous oblige et nous incite aux solidarités. Il s’agit en même temps de coopérer avec les peuples de l’Arctique, de s’assurer qu’ils peuvent choisir leur destin commun, et vivre sereinement dans un environnement préservé. Mais aussi, en les respectant de nous préserver d’une avidité accrue qui obérerait leurs ressources, et que nos choix de société ne mettent à risque ni leur mode de vie, ni leur vitalité, ni leur culture et leur patrimoine immatériel.
Proposition 1 : Revitaliser et faire évoluer la Commission Arctique pour qu’elle devienne un Comité de l’Océan Arctique doté de moyens et d’objectifs de résilience à la hauteur des enjeux, communs et différenciés.
Un levier d’action immédiat et important concernant l’Arctique est la sécurisation et la régulation du trafic maritime dans l’Arctique. Il s’agit d’éviter que ce continent-océan ne soit laissé à la pêche prédatrice et au braconnage, et d’accélérer la transition énergétique mondiale plutôt que de lorgner sur une exploitation déraisonnée des ressources pétrolières et minières de la région.
Proposition 2 : Mettre en place une « autoroute à péage », fonctionnant sur un principe similaire au Canal de Panama, entre Vladivostok et Hammerfest, réservée aux seuls porte-containers récents, surs (double coque), et peu polluants (propulsion gaz).
Proposition 3 : Prendre des décisions immédiates de classification en Aires Marines Protégées (AMP) concernant les souverainetés nationales des États membres, et mettre en place un plan d’action pour annoncer au plus tard en juin 2020 à Marseille lors du Congrès de l’UICN un plan d’action concerté et ratifié permettant la classification de 30% de la surface maritime de l’Arctique en AMP avant le 1er juillet 2025.
Un autre levier est la préservation du patrimoine culturel, de l’identité et du mode de vie des populations, de développer de nouvelles solidarités, d’encourager à la diversité, d’encourager la rencontre entre les peuples au-delà du tourisme superficiel et distant.
Proposition 4 : En concertation avec les organisations internationales, notamment l’OMI (Organisation Maritime Internationale) et l’OIT (Organisation Internationale du Tourisme), mettre en place avant mi-2021 une charte du tourisme arctique responsable, et s’assurer d’un engagement volontaire d’opérateurs pionniers et de personnalités représentatives.
Un dernier levier concernant le changement au quotidien nos modes de vie à la hauteur des enjeux du dérèglement climatique, des dégradations de l’environnement et de notre qualité et vie, et d’accélérer vers l’efficience des comportements dans une société en transition énergétique, économique et sociétale, qui respecte la vitalité de l’Arctique et son rôle essentiel par une préservation prioritaire, et rapide.
Proposition 5 : En concertation avec les organisations internationales, notamment l’OMI (Organisation Maritime Internationale) et l’OIT (Organisation Internationale du Tourisme), mettre en place avant mi-2021 une charte du tourisme arctique responsable, et s’assurer d’un engagement volontaire d’opérateurs pionniers et de personnalités représentatives.
Actualiser les réglementations de pêche des États Membres du G7 et de l’Union Européenne pour traiter les zones nouvellement découvertes par le dérèglement climatique de manière au moins similaires aux réglementations de pêches déjà existantes, et les doter de quotas permettant de maintenir la qualité annuelle prélevée dans l’Arctique à son niveau de 2017.
Proposition 6 : Dans la continuité de l’impulsion française initiée par le CIMER de novembre 2018 à Dunkerque, faire étendre aux États Membres du G7 Biarritz l’engagement « 0 plastique dans l’océan en 2025 ».
Proposition 7 : Identifier en 24 mois les zones à enjeux prioritaire pour limiter les effets de la pollution plastique, des micro-polluants et des perturbateurs endocriniens sur l’Arctique, et mettre en place les outils de remédiation appropriés sur ces zones à enjeux prioritaires.
Éclairons ces possibles…il vous appartient d’y trouver vos équilibres, et vos engagements. Nous nous engageons à mettre en place les mobilisations de haut niveau qui facilitent l’examen et l’éventuelle appropriation de ces propositions, et sensibiliserons sur l’urgence d’agir et les modes d’actions qui nous semblent prioritaires, ci-avant décrits.