Les faits
Depuis le 3 octobre 2017, Green Cross a constaté et signalé la détection par les organismes météorologiques européens de Ruthénium 106 dans l’atmosphère, et alerté sur le peu de transparence et de visibilité accordé à ces éléments d’identification.
La source probable, identifiée par un calcul mathématique de par la trajectoire supposée des particuliers, se trouve entre la Volga et l’Oural.
L’Institut National de Radioprotection et de Sureté Nucléaire (IRSN) ne communique sur le sujet que le 4 octobre, et de manière plutôt laconique, suivant un premier communiqué issu de la Météorologie autrichienne, en date du 3 octobre.
La CRIIRAD, seul laboratoire français indépendant, communique pour sa part le 5 octobre.
Qu’est-ce que le ruthénium 106 ?
Le ruthénium 106 est un métal radioactif, cousin du platine, qui se présent sous forme de particules dans les échantillons de gaz radioactif recueilli. Il n’est pas présent naturellement sur la surface du globe. Les quantités rejetées dans l’atmosphère lors de la pollution constatées fin septembre sont estimées par la CRIIRAD à 375 000 fois le seuil maximum autorisé sur une année pour la centrale nucléaire de Cruas.
Les effets du Ruthénium 106 sur la santé humaine sont mal connues, mais on suspecte que ce soit un cancérogène probable sur une zone réduite autour de la source de la pollution radioactive.
Les productions du Ruthénium 106 sont de 3 types:
- via le nucléaire militaire, et en particulier les fusées et satellites, cette technologie ayant été utilisée comme moyen de production,
- via le nucléaire civil, les infrastructures de production et de stockage,
- et dans le nucléaire médical.
Il existe dans la zone considérée, entre la Volga et l’Oural, un centre de retraitement de combustible nucléaire irradié, MAYAK, dont l’activité est mal connue, mais qui est susceptible de traiter ou de stocker du Ruthénium 106. A ce jour, soit près de 2 mois après la pollution radioactive, la plus grande incertitude règne néanmoins sur l’origine exacte de la pollution, puisque l’agence de météorologie russe mentionne des niveaux de pollution radioactive pour le ruthénium 106 près de Mayak au même niveau que la Roumanie, alors qu’ils devraient être beaucoup plus élevés..
Que faire ?
Ce nouvel épisode de pollution radioactive, et sa signalisation tardive auprès du public, suscite un grand nombre d’interrogations:
- il convient une nouvelle fois d’interpeller l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ainsi que l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), sur leur silence, et de demander que toutes les investigations soient faites pour faire la lumière sur cette pollution,
- plus que jamais, l’opacité et l’absence de contrôle citoyen, en particulier en France, autour de la filière nucléaire, de sa mise en sûreté et en sécurité, des pollutions radioactives constatées sur l’ensemble du territoire et des effets sur la santé humaine et la biodiversité, soit extrêmement problématiques et indignes d’une démocratie moderne. Nous demandons donc les informations les plus précises de l’IRSN et du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, des moyens renforcés pour une réelle expertise et veille indépendante en termes de pollution nucléaire de l’air, de l’eau et des sols, et une intégration systématique des ONGs environnementales et de santé dans toutes les instances de décision.
- de plus, alors que le Prix Nobel 2017 a été accordé – et ce n’est pas un hasard – à l’ICAN, il convient dans l’objectif même de préserver la paix et un environnement sain que nous sécurisions et mettions sous contrôle les armements, combustibles et substances nucléaires sur la planète, et mettions en place un plan sérieux d’élimination et de retraitement des substances nucléaires civiles et militaires de manière forcenée, financée, et ambitieuse. C’est un triple enjeu de santé publique, de maintien de la paix et de lutte contre le terrorisme écologique .
- enfin, alors que les problèmes financiers d’EDF et plus globalement de la filière nucléaire montrent chaque jour l’impasse économique de l’électronucléaire et l’indigence des moyens affectés à la sûreté et à la sécurité eu égard aux besoins, la question de la sécurité et celle de la sûreté nucléaire ne peuvent plus être laissées ni aux professionnels du nucléaire, ni aux seuls experts. Il s’agit désormais de reprendre un contrôle démocratique et citoyen sur la filière, les impacts sur la santé et sur la planète, d’anticiper plus les risques associés, d’effectuer un suivi statistique complet et visible de tous en open data sur les pollutions et l’effet du rayonnement, et de pousser la filière à mettre en place les outils financiers et de gouvernance partagée nécessaires à sa sécurisation.
Plus que jamais, il est urgent d’agir, et de réaffirmer l’importance d’une sortie rapide, raisonnée et concertée du nucléaire. Il s’agit non seulement de réaffirmer les droits de l’humanité, de préserver notre capacité à vivre en paix dans un environnement serein, mais également de mettre en place maintenant les outils de transition énergétique pour ne pas laisser aux générations actuelles et futurs l’épée de Damoclès relative à des choix militaires et stratégiques du passé et coïncidant avec le délitement financier des filières de l’atome partout dans le monde.
Pour en savoir plus:
- le site de la CRIIRAD, laboratoire indépendant, et son dernier communiqué de presse,
- le communiqué de presse du 9 novembre de l’IRSN.
Souvenons-nous également que en janvier de cette année, une pollution à l’iode radioactif 131 avait été détectée, mais qu’elle n’a été signalée par l’IRSN que le 13 février 2017. A retrouver dans le Monde du 19 février.