Side event Green Cross France et Territoires “Réparer et protéger l’océan pour s’assurer un climat serein et une humanité préservée, ParisClimat2015 – Objectif Océan”
Le 3 décembre, aux espaces Générations Climat du Bourget dans le cadre de la COP21, Green Cross France et Territoires a réuni de nombreux acteurs représentatifs des littoraux du monde, de la Polynésie aux côtes marocaines, de la Bretagne à la Nouvelle-Calédonie en passant par les pôles, de nombreux acteurs ont témoigné de la nécessité d’agir pour les Océans.
Pour Bettina Laville, Conseillère d’Etat, fondatrice du Comité 21, la saturation de la capacité des océans à absorber le CO2 est un problème d’autant plus important qu’ils capturent 30% des émissions de CO2, et nous rendent de l’oxygène. Bettina Laville voit la nécessité d’un rassemblement des acteurs de l’eau pour ne pas faire de l’océan un espace inerte. La France, qui est la deuxième nation maritime au monde avec 11 millions de km2 de littoraux, ce qui implique la présence de peuples d’outre-mer, devrait s’investir davantage sur ce sujet.
A la suite de cette introduction, la projection du film réalisé sur les conséquences du cyclone PAM par Ania Freindorf, a permis de donner la parole aux peuples du Pacifique Sud et transmettre leur message sur la nécessité d’agir pour préserver leurs iles, sentinelles du dérèglement climatique.
Iles, pôles et océans : sentinelles du climat ?
Dominique Martin-Ferrari, journaliste à Métamorphose Outre-mer, a introduit son propos sur la géopolitique de l’océan, les préoccupations des Etats, prioritairement économiques, et non universalistes, comme l’est la question du dérèglement climatique. Elle a insisté sur le statut de l’Antarctique, dont le protocole de protection sera remis en cause avec la renégociation du Traité sur l’Antarctique, qui pourra mettre sa sanctuarisation en danger.
Sebastian Copeland, photographe, explorateur et environnementaliste, spécialiste de l’Arctique, a insisté sur les impacts du dérèglement climatique dans les régions polaires. L’Arctique est un océan entouré de continents, au contraire de l’Antarctique. Hydrocarbures et énergies minérales y sont convoités. L’Arctique ne doit pas se transformer en supermarché ni en autoroute internationale, car cela aurait un effet dévastateur, tant pour les rejets de gaz carbonique que les risques de marée noire. De cette fragilité découle le besoin de mettre en place un protocole qui protège l’Océan Arctique.
Maïna Sage, députée de Polynésie, co-auteur du rapport d’information n°3172, “Les outre-mer aux avant-postes du changement climatique”, a rappelé ce que représentent les Outre-Mer pour la France, seconde puissance maritime mondiale. 97% de la ZEE (Zone Economique Exclusive) de la France est située dans les Outre-Mer. Pour les Océaniens, l’océan est un lieu de vie, une ressource alimentaire, une prolongation des territoires insulaires. Elle a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre des solutions alliant savoirs traditionnels et technologies d’aujourd’hui.
Pour Anthony Lecren, ministre de Nouvelle-Calédonie, en charge des affaires coutumières et du développement durable, co-initiateur du forum Oceania 21, la notion de territoire maritime est dépassée au vu de la situation de la planète: la prise en compte des océans doit être désintéressée et se faire de manière responsable. Il a insisté sur l’éducation et la nécessité de transmettre les connaissances ancestrales qui ont fait leur preuves et sont adaptées aux contextes spécifiques rencontrés en Océanie.
Des solutions qui se mettent en pratique, des partenariats multi-acteurs qui se construisent
Thierry Touchais, directeur de la Fondation Goodplanet, estime que la question des ressources halieutiques touche tout un chacun puisque l’alimentation concerne tout le monde. Il a présenté l’application “Planète océan” qui permet de choisir le poisson qu’on peut consommer en fonction de la qualité et de la quantité de stock de cette espèce, ainsi que de la méthode de pêche. Selon lui, l’alimentation a un rôle à jouer pour préserver la nature. Il a notamment cité l’implication des pêcheries de crevettes dans le rétablissement des mangroves.
Erin Meezan, vice-présidente Développement durable d’Interface, a mis en avant la valorisation des filets de pêche à poissons, qui peuvent servir de ressource, ce que fait Interface, en les transformant en dalles moquette. Elle considère nécessaire d’opérer un retour sur la chaîne d’approvisionnement afin de parvenir à une circularité dans les processus de production. De plus, ce projet est ouvert sur la société car il fait vivre des populations locales.
Brigitte Bornemann, directrice des publications “Energie de la mer”, a présenté le portail des énergies de la mer : regroupant des informations économiques, technologiques et sociétales, dont le premier objectif est de convaincre en donnant la parole, en permettant les échanges et de se rencontrer. Cela passe par la sensibilisation : il faut savoir informer, vérifier et transmettre l’information. Brigitte Bornemann invite à soutenir l’initiative du forum de la mer qui se déroule au mois de mai et partage une ambition : mieux utiliser tout en protégeant les mers.
Marc Legall, enseignant, coordinateur du groupe de travail Lycée Vauban / Virtualys, a présenté un outil pour sensibiliser les jeunes aux enjeux de la mer : un « jeu sérieux » (serious game) consistant à implanter des hydroliennes et éoliennes le long du littoral, qui permet de voir sur un smartphone les effets de leurs choix d’implantation.
Christophe Buffet, chercheur et consultant en changement climatique et réduction des désastres climatiques à l’EHESS, centre ses recherches sur les effets des négociations climatiques, en insistant notamment sur le Bengladesh. Dans ce pays, 53 millions de personnes vivent dans des zones à risque : les enjeux d’adaptation sont cruciaux, vitaux, alors que paradoxalement, et de manière injuste, ces personnes sont très peu émettrices d’émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, si le Bengladesh est un des pays les plus vulnérables au dérèglement climatique, il faut également souligner qu’il est l’un des plus résilients.
Dominique Héron, Président France de la Commission Environnement et Energie de la Chambre de commerce internationale, considère que l’empreinte environnementale terrestre doit être remplacée par une approche plus systémique. Les voies maritimes sont des voies d’échange, qui permettent le transport et les exportations. Les entreprises sont des acteurs essentiels d’un contrat de paix, qui doit impliquer le plus grand monde. La CCI engage ses membres à agir par la protection et la régénération des espaces océaniques. Concrètement, cela passe par le système GIRAC (gestion intégrée des résidus sur les côtes), qui permet de traiter ce que l’hinterland peut rejeter.
De COP21 à COP22 : Objectif OCEAN !
Raymond Van Ermen, Conseiller du Président d’European Partner for the Environment, a particulièrement insisté sur le développement des synergies et le multilatéralisme qui doit s’effectuer. Il a souligné l’importance de la Déclaration ParisClimat 2015 Objectif OCEAN : cette déclaration comporte un certain nombre d’engagements qui rendent comptable les signataires, avec des mécanismes qui porteront aussi sur le lien avec les Objectifs du Développement Durable où est inscrit un objectif océan.
Houria Tazi Sadeq, Présidente de l’Alliance Maghreb Machrek pour l’Eau (ALMAE), a souligné une incohérence juridique et politique : le Maroc vient d’adopter la nouvelle loi 81-12 sur l’eau, qui n’intègre pas le littoral, alors que le pays compte de nombreux kilomètres de côtes et d’embouchures. D’autre part, il existe un Ministère de l’eau séparé de celui dédié à l’environnement. Or, Houria Tazi Sadeq estime que le défi du climat ne peut laisser des politiques compartimentées, mais qu’il faut au contraire travailler dans l’intersectorialité et la coordination, faire le lien entre l’échelon national, local, et international. Autre problème : la partie atlantique de la côte n’est pas protégée internationalement. En revanche, la Méditerranée bénéficie du protocole de la Convention de Madrid, qui est toutefois imparfait puisque les négociateurs ne viennent pas du milieu de l’eau, quand bien même il s’agit de la convention de la mer et du littoral. Houria Tazi Sadeq a enfin dénoncé le retard pris dans les politiques de protection qualitative de l’eau.
Annick Girardin, Secrétaire d’État au Développement et à la Francophonie auprès du ministre des Affaires étrangères et du Développement international, a conclué ce side-event en mettant en avant la mobilisation que suscite, et devrait davantage susciter, la question des océans.
Les négociations climatiques devraient avoir le même traitement que le sujet des forêts. La perspective d’un océan des solutions a également été mise en valeur : si ceux qui y vivent souffrent, l’océan est aussi porteur de nombreuses promesses, celle d’un climat préservé, d’une protection des populations des catastrophes climatiques, la modification du stock de poissons et d’espèces invasives. La COP21, qui promet de limiter l’augmentation des températures à 2°C, pourrait apporter d’autres réponses à ces problèmes. La difficulté de parvenir à cet objectif, et la quasi-impossibilité de limiter le réchauffement à 1,5°C, pourra être résolue par les mécanismes de révision, qui pourront permettre de s’en rapprocher.
Le volet adaptation est déjà utile et opérationnel : la ministre a par exemple cité le système d’alerte CREWS qui permet de contrer le fait que peu d’Etats insulaires disposent d’un système d’alerte, par manque d’informations météorologiques, et ainsi de sauver des vies en prévenant les populations en cas d’évènement climatique extrême.
Pour la ministre, il y aura un avant et un après COP21, en ce sens que la conférence climat aura au moins permis de montrer l’ambition des Etats insulaires et représentera un tournant pour l’économie bleue et verte, qui prend en compte la protection des océans et le développement économique. Les problématiques et opportunités que constituent la durabilité, la préservation environnementale et la prospérité seront davantage mises en valeur.