Le Monde | 29.11.11 |
Au moment où le Conseil d’Etat annulait la suspension de culture de maïs OGM de Mosanto MON810 en France, lundi 28 novembre, les députés ont adopté une proposition de loi très controversée touchant au coeur de l’activité agricole. Ce texte relatif aux “certificats d’obtention végétale” instaure le versement d’une redevance pour l’utilisation des semences dites de ferme. Cette appelation désigne les semences que les agriculteurs réutilisent d’une année sur l’autre.
Un tel mécanisme existe déjà pour le blé tendre : tout agriculteur qui livre sa récolte de blé tendre à un organisme collecteur doit verser une contribution de 5 centimes d’euro par quintal de blé livré
Le texte adopté prévoit donc de l’étendre à d’autres semences. La liste n’est pas arrêtée, mais vingt et une semences seraient concernées, en particulier les céréales. Quid des autres, comme les semences de légumes ? Leur réutilisation pourrait alors se voir interdites. La pratique des semences de ferme “doit être autorisée, mais elle ne peut être libre de droit comme elle l’est aujourd’hui”, a expliqué le ministre de l’agriculture Bruno Le Maire, qui défendait le texte.
Cette proposition de loi, présentée par le sénateur UMP Christian Demuynck, avait été adoptée par le Sénat en première lecture le 8 juillet. Des syndicats d’agriculteurs comme la Confédération paysanne et la Coordination rurale sont montés au créneau pour dénoncer ce qu’ils qualifient de “privatisation des semences”. Selon Guy Kastler, de la Confédération paysanne : “Le vote à l’Assemblée, sans amender le texte pour qu’il soit définitivement adopté avant l’élection présidentielle représente un véritable passage en force.”
A l’inverse, le Groupement national interprofessionnel des semences (GNIS) se félicite d’un texte qui “sécurise le financement de la recherche et donne aux sélectionneurs les moyens de développer durablement des programmes d’amélioration des plantes“.
Même satisfaction du côté de syndicat agricole FNSEA. Pour son président Xavier Beulin, “il est normal que les agriculteurs participent au financement de la création variétale puisqu’ils en bénéficient“. Il souligne également que le montant des redevances sera discuté au niveau de l’interprofession.
La Coordination rurale n’a pas manqué de souligner que M. Beulin est aussi à la tête du groupe Sofiprotéol, actionnaire de semenciers français comme Limagrain ou Euralis Semences. La balle est maintenant dans le camp de Bruno Le Maire, qui doit préciser les règles par décret.
Laurence Girard
Article paru dans l’édition du 30.11.11